Par cette nuit dont le rayon phosphorescent de la lune éclaire le mausolée, je me recceuille dans le cimetière oublié de tous et envahi par les herbes folles.
Squelette parmi les squelettes, je cherche ma voie.
Agenouillée devant cette sépulture, j'implore.
" Aux Amours défuntes tout sera rendu. "
L'épithaphe est à demi effacée et recouverte de mousse brunâtre.
Je me suis écorchée les doigts, arrachée les onglees. Mon sang coagule lentement dans le creux coupant des lettres... Je me sens enfin sereine depuis ces longs mois passés à traîner ma peau et mes souvenirs comme un linceul étriqué.
Une cloche sonne l'heure.
Minuit.
Le froissement d'une étoffe me fait retenir mon souffle.
- Qui se souvient encore de mon nom ?
jusqu'à présent je n'avais pas décelé de présence, hormis la mienne, en ce lieu désolé. Je fus donc saisie par cette irruption et n'osais bouger.
Mais cette voix... ! Cette voix me pénétrait jusqu'au plus profond de ma chair. Basse et profonde. Chargée de mélancolie et de puissance.
- Retournez-vous.
La voix est impérieuse et ne me laissse pas le choix de la contredire. Malgré la peur de l'inconnu qui m'a envahie, je me lève et me retourne lentement pour faire face à l'individu ayant fait irruption lors de mon recceuillement.
La lumière de la nuit donne des reflets moirés à sa longue redingote de velours couleur d'obscurité. ses jambes sont gainées d'un pantalon de toile noire. Celles-ci se terminent par des bottes de cuir souple. Contrastant à cette sombre sobriété, une chemise à jabot et poignets de dentelles jette un éclat de lumière...
Son visage est doux mais reste empreint d'un passé encore vivace lui conférant les traits d'un jeune éphèbe ayant le vécu d'un vieil homme plein de regrets. Des yeux vifs embrasent tout ce sur quoi ils se posent. Cela est aussi dû à cette couleur indéfinissable: bleus outremer. Ses lévres carmin contrastent violemment contre le teint hâve de sa peau ne présentant nuls défauts. Cette pâleur extrême est accentuée par de longs cheveux lisses et soyeux couleur de jais.
Ses mains sont longues est fines telles celles d'un musicien...
Devant ce monarque d'outre-tombe, je m'incline, reconnaissant sa suprémacie...
tremblante, je l'entends s'approcher à pas glissés.
- Relevez-vous.
J'éprouve quelques difficultés après cette longue station à croupetons. et la faiblesse de mon corps mis à rude épreuve ces derniers temps se fait voir tout autant. L'individu ne cilla pas. Je restais debout et silencieuse, respectueuse de sa personne. Toujours les yeux baissés vers les graviers sous nos pieds, je l'entendis reprendre:
- Je serais curieux de savoir comment vous avez appris l'endroit où demeure mon immobilité glaciale.
Je ne savais quoi répondre, ignorant moi-même par quel moyen je m'y étais rendue. Ma voix se brisa sous la tension:
- Veuillez excuser mon intrusion...
- ce lieu est gardé secret depuis si longtemps que je ne saurais dire si vous m'importunez ou pas.
Sa réponse m'interpella. Ce lieu était-il vraiment nouveau ? Cela semblait si improbable ! Je me risquai à lui demander:
- Existe-t-il en ce monde de lieux qui n'apparaissent qu'à ceux qui n'ont pas la foi de l'apparence ?
Il sembla pris de court par ma question à moins qu'il ne fut déstabilisé car les traits de son visage frémirent un temps soit peu.
- Effectivement, je crains que nous n'appartenions pas au même monde mais j'ignore par quel moyen vous avez pu entrer en communication avec nous.
- Il n'y a pourtant que vous que je puisse voir....
- Nous sommes plusieurs à veiller mais aucun de nous ne se réveille pour les mêmes raisons. Nous avons chacun une vocation.
Je ne comprennais pas très bien ce que l'inconnu essayait de m'expliquer, à moins qu'il ne resta évasif volontairement...
Ainsi passa la nuit.
Et avant que l'aube ne paraisse, il s'excusa de devoir s'absenter car le devoir le quérait ailleurs.
Dans une pirouette, il tourna les talons et s'en alla à grandes enjambées, laissant sa longue redingote flotter derrière lui.
Le vent agita l'herbe, me saisit...
Je m'écroulais, comme morte, alors que le soleil dardait ses premiers rayons...
( Ce texte est l'entière propriété de Shadows Beaumont. Toute reproduction sans accord de l'auteure est interdite. Merci de le respecter. )